Droits à l’eau et à l’assainissement

Quel accès « suffisant et adapté » à l’eau en France

La Coalition Eau publie une note de positionnement « Droits à l’eau et à l’assainissement en France : Vers une définition d’un accès suffisant et adapté ». Cette note revient sur le contexte français et les difficultés posées par le manque de définition d’un accès suffisant et adapté à l’eau et à l’assainissement. Elle promeut des indicateurs reconnus par les ONG en matière d’eau potable et d’équipements sanitaires et propose des pistes de travail au niveau des territoires. La note de positionnement, et les propositions qui en découlent, sont issues d’une étude sur « les indicateurs de droits à l’eau et à l’assainissement en France », réalisée par l’agence Ecodem, entre août 2022 et mars 2023.

Pourquoi définir des indicateurs ?

Malgré la reconnaissance de l’accès à l’eau et à l’assainissement comme un droit humain fondamental par l’Assemblée des Nations Unies en 2010, ce droit n’est pas formellement reconnu en France. Pourtant, on estime qu’en France hexagonale, 400 000 personnes ne sont pas raccordées à des services d’eau et d’assainissement, principalement des personnes qui vivent dans des habitats informels ou à la rue. Les conditions d’accès à l’eau dans les DROMs sont encore plus préoccupantes. On remarque d’importantes disparités entre les départements et les villes françaises concernant la prise en charge de ces problématiques d’accès à l’eau et à l’assainissement.

L’ordonnance n°2022-1611 du 22 décembre 2022 et le décret d’application n° 2022-1721 du 29 décembre 2022 constituent une avancée notable en droit français car ils reconnaissent l’existence de personnes non-raccordées à l’eau en France et demandent aux collectivités de mettre en place des solutions concrètes en réponse au manque d’accès à l’eau potable. La Coalition Eau a réalisé un décryptage complet de ces nouvelles normes, accessible en ligne sur son site.

Une phase d’évaluation des besoins sera nécessaire pour identifier les « personnes n’ayant pas d’accès ou un accès insuffisant à l’eau potable ». La définition d’une quantité minimale par jour nécessaire (entre 50 et 100 litres d’eau par personne et par jour) pour couvrir les différents usages de l’eau est un premier pas, mais des indicateurs complémentaires, permettant de qualifier le manque d’accès à l’eau, que ce soit dans l’espace public ou au sein d’habitats informels et précaires, sont indispensables.

Une approche fondée sur les droits humains (AFDH) est essentielle pour guider l’action des parties prenantes et la définition d’indicateurs d’accès à l’eau, avec notamment ces principes clés : la non-discrimination et l’égalité, l’accès à l’information et la transparence, et la participation et l’inclusion.

D’autres principes sont à prendre en compte pour approcher les usages et les besoins en eau des populations, notamment la territorialisation et l’adaptation des politiques aux spécificités de chaque territoire particulier, notamment en ce qui concerne les Outre-Mer, ainsi que l’acceptabilité de l’accès à l’eau proposé, prenant en compte les usages de l’eau, les pratiques et les rapports à l’eau, qui varient selon les spécificités culturelles, sociales et économiques.

Les indicateurs promus par les ONG

Ces indicateurs doivent être pris comme un référentiel minimal, qui doivent être adaptés systématiquement en fonction du contexte, des besoins et des usages des personnes.

Dans les sites d’habitats précaires

Pour les populations vivant dans des sites d’habitats précaires et informels (squats, bidonvilles et camps), les ONG proposent de réfléchir par nombre de personnes présentes sur le site et d’y associer un nombre d’installations adaptés : robinets, toilettes, douches, stations de lavage du linge. Pour les ratios, les ONG préconisent :

Habitats précaires - points d'eau

En termes de distance, les ONG préconisent :

  • Entre le lieu de vie et le point d’eau : entre 0 et 50 mètres maximum. En cas de point d’eau à l’extérieur du site, qui constitue déjà une forme d’éloignement, la distance maximale à parcourir ne doit pas excéder 200 mètres.
  • Entre le lieu de vie et les toilettes : ne doit pas excéder 50 mètres, comme le préconisent les standards minimums d’intervention humanitaire SPHERE.

L’offre dans l’espace public

Pour les populations vivant dans l’espace public, les ONG proposent de définir un seuil par habitant·e·s dans chaque commune ou arrondissement en s’appuyant sur des découpages préexistants tels que le découpage scolaire.

  • A partir de 2000 habitant·e·s recensé·e·s : l’installation d’une fontaine publique est obligatoire
    • Pour chaque tranche supplémentaire de 2500 habitant·e·s recensé·e·s : installation d’un équipement supplémentaire
  • A partir de 10 000 habitant·e·s recensé·e·s : l’installation d’une toilette publique est obligatoire
    • Pour chaque tranche supplémentaire de 5000 habitant·e·s recensé·e·s : installation d’un équipement supplémentaire
  • A partir de 15 000 habitant·e·s recensé·e·s : l’accès à des douches publiques est obligatoire

Au-delà du nombre de fontaines et de toilettes disponibles en villes, il est aussi essentiel de penser à leur localisation et de renforcer le maillage territorial de ces structures. Ces installations doivent couvrir l’ensemble du territoire, depuis le centre-ville jusqu’à la périphérie. Un maillage territorial optimal doit être réalisé en fonction de la fréquentation et des besoins identifiés.

Des pistes de travail au niveau des territoires

Les ONG identifient des pistes de travail pour avancer collectivement sur les enjeux d’accès à l’eau pour tou·te·s en France, dont notamment :

  • Elaborer d’un guide à l’attention des collectivités territoriales
  • Créer un guichet unique pour centraliser et faire remonter les signalements
  • Sensibiliser et informer les primo-concernés
  • Diffuser la vidéo « Accès à l’eau potable : ce qui change en 2023 ! » réalisée par Solidarités International : à visionner ici
  • Créer des Commissions de médiation départementale de l’eau (préconisation 16 du CESE dans son avis sur « La gestion de l’eau et de l’assainissement dans les Outre-mer » d’octobre 2022, accessible ici)
  • Renforcer la collaboration et l’articulation entre les services techniques de l’eau, les services sociaux et les associations

Pour aller plus loin

  • Consulter la note de position de la Coalition Eau « Droits à l’eau et à l’assainissement en France. Vers une définition d’un accès suffisant et adapté », en téléchargement ci-dessous

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