Examen Périodique Universel de la France

Le droit à l’eau en Outre-Mer et littoral Nord de la France

L’Examen Périodique Universel

L’EPU se déroule à Genève. Il a pour objectifs de promouvoir les droits humains et de partager des bonnes pratiques pour relever efficacement les défis en matière de droits humains.

L’EPU représente pour chaque Etat l’occasion de déclarer les mesures qu’il a prises pour améliorer la situation des droits humains dans son pays et pour remplir ses obligations en la matière. C’est aussi l’occasion pour la société civile, dont les ONGs, d’attirer l’attention des pays examinateurs sur les manquements aux droits humains au sein de leur pays.

Qui participe à l’EPU ?

Les diverses parties qui sont impliquées dans le mécanisme de l’EPU peuvent être divisées en trois catégories : les États membres des Nations Unies, les organismes des Nations Unies et les autres parties prenantes.

Pour chaque pays examiné, est sélectionné un groupe de trois pays rapporteurs, appelés « troïkas », qui élaborent le « rapport final » comprenant les observations et recommandations afin d’améliorer la situation des droits humains dans l’État examiné.

Les trois pays rapporteurs rédigent leur « rapport final » sur la base de trois documents officiels :

  • Un rapport national, qui comprend les informations de l’Etat examiné
  • Des rapports d’entités expertes des Nations Unies, notamment des groupes indépendants des droits humains : le haut-commissaire aux droits de l’Homme compile des informations sur l’État examiné qui proviennent du système des Nations Unies
  • Les contributions soumises par les autres parties prenantes, notamment des institutions nationales des droits humains, institutions universitaires, médiateurs, organisations régionales et ONGs, qui viennent alimenter un « Résumé des informations des autres parties prenantes ».

L’examen périodique de la France

La France sera examinée le 1er mai 2023 à l’occasion du 4e cycle de l’EPU. Cet examen est l’occasion pour la France de défendre son bilan en matière de droits humains, au regard des recommandations formulées par les Etats lors de son examen de 2018.

  • Voir le Rapport du Groupe de travail sur l’examen périodique universel de la France (2018) ici
  • Voir le calendrier d’examen de la France ici

Contributions écrites des ONG de la Coalition Eau

L’examen de la France dans le cadre du 4e cycle de l’EPU est une occasion de révéler les situations d’entraves aux droits humains à l’eau et à l’assainissement existant encore aujourd’hui sur le territoire français.

La Coalition Eau a pour cela déposé, avec ses membres et partenaires de son Groupe de Travail sur les droits humains à l’eau et à l’assainissement en France, deux contributions écrites:

  • sur les droits humains à l’eau et à l’assainissement dans les Départements et Régions d’Outre-mer.
  • sur les droits à l’eau et à l’assainissement des personnes exilées présentes sur le littoral Nord de la France (déposée par Solidarités International, Calais Food Collective, Roots, Vents Contraires).

1. Droits humains à l’eau et à l’assainissement dans les DROMs

Ce document se focalise sur la situation des droits à l’eau et à l’assainissement dans 5 DROMs : la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion, la Martinique et Mayotte. En 2022, la situation des droits humains à l’eau et à l’assainissement est critique pour les personnes résidant dans les DROMs : l’eau n’y est pas toujours disponible ni accessible en continu, elle est chère et souvent impropre à la consommation.

Cette contribution dresse un état des lieux de la situation au travers d’une analyse de 4 (sur 5) des critères des droits humains à l’eau et à l’assainissement : la disponibilité, l’accessibilité physique, l’abordabilité économique et la qualité.

Les faits présentés se basent sur des données collectées sur le terrain, auprès d’acteurs locaux, appuyées par des rapports écrits et des chiffres officiels émanant le plus souvent des autorités françaises elles-mêmes, et dont les références sont présentées.

L’étude des quatre critères des droits à l’eau et à l’assainissement met en lumière des problèmes chroniques : des infrastructures défaillantes, un service d’eau régulièrement coupé, des factures d’eau élevées et une eau polluée, avec des conséquences sanitaires dramatiques. Cela vient impacter d’autres droits humains : le droit à la vie, le droit à l’intégrité et à la sécurité, le droit à la dignité, le droit à la santé, le droit à l’éducation…

Les situations présentées n’existent pas à un tel niveau en France métropolitaine (excepté pour des populations marginalisées et/ou exilées, vivant en campements, bidonvilles ou squats). L’absence de réponse adaptée et efficace de la part de l’Etat et des collectivités territoriales, y compris l’absence de recours juridictionnels effectifs, ne permet d’octroyer aux usagers ni réparation, ni indemnisation des préjudices subis, ni solutions d’urgence permettant de faire cesser la violation de ces droits humains.

Principales recommandations portées à l’attention de la France

  1. Développer des points d’accès à l’eau gratuits dans l’espace public et les institutions publiques, afin de répondre aux problématiques de disponibilité et d’accès à l’eau des populations en situation de précarité dans les Départements et Régions d’Outre-Mer, conformément à l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine
  2. Eliminer les interruptions de service d’eau potable en Guadeloupe, Martinique et à Mayotte, grâce à la rénovation des réseaux, l’amélioration des taux de rendement (tendre vers la moyenne nationale de 80%) et l’augmentation des moyens de production d’eau potable
  3. Répondre aux interruptions de service d’eau potable par des mesures d’urgence via la distribution d’eau en urgence de la même façon qu’en hexagone (par exemple installation de citernes d’eau)
  4. Etablir, dans le cadre du plan Eau DOM, un plan d’intervention et de financement spécifique pour les populations non raccordées au réseau d’eau potable, afin de répondre aux problématiques de précarité en eau et précarité sanitaire dans les Départements et Régions d’Outre-Mer, conformément à l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine
  5. Développer des solutions locales et innovantes d’accès à l’eau potable et à l’assainissement qui soient adaptées aux réalités des DROMs, notamment la récupération d’eau de pluie et filtres plantés de végétaux, dans un intérêt écologique et social, conformément à la cible 6.4 l’Objectif de Développement Durable n°6 de l’Agenda 2030
  6. Etablir des mécanismes garantissant l’abordabilité des services d’eau potable et d’assainissement tels que des aides au paiement des factures, la gratuité des 1er m3 d’eau, le plafonnement du tarif de l’eau et l’interdiction de la perception de l’octroi de mer dans le secteur de l’eau en Outre-Mer

2. Droits humains à l’eau et à l’assainissement pour les personnes exilées présentes sur le littoral Nord de la France

La situation des personnes exilées présentes sur le littoral Nord de la France est la plus critique de la France hexagonale en matière de droits à l’eau et à l’assainissement. Cette zone côtière constitue l’un des principaux points de passage de la route migratoire, avec une présence de personnes en exil pour de courtes durées. Selon les associations locales, le nombre de personnes exilées au Nord oscille entre 1 000 et 3 000 chaque année et comprend des hommes seuls, des femmes, des familles et des mineurs non accompagnés.

Bien que les conditions de vie extrêmement précaires de ces personnes soient largement connues des autorités et rapportées dans les médias depuis 2016, aucune mesure satisfaisante n’a été prise par les autorités pour garantir un accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement qui soit suffisamment digne ou répondant a minima aux standards internationaux humanitaires utilisés en situations de crise (standards SPHERE).

Cette contribution écrite détaille l’état actuel des infrastructures ou dispositifs mobiles mis en place par les autorités publiques et analyse la situation du Nord littoral sur les critères suivants : la continuité et la disponibilité de la ressource en eau, l’accès physique, la sécurité de l’accès et les risques sanitaires qui y sont liés.

Sur la base de ces critères, les conclusions de l’analyse de la situation sur les côtes du nord de la France montrent clairement que l’objectif mis en avant par la Sierra Leone dans sa recommandation de 2018, qui impliquait la mise en œuvre de stratégies cohérentes et à long terme pour permettre l’accès à l’eau potable et à l’assainissement des migrants à Calais et dans le nord de la France, est loin d’être atteint.

Principales recommandations portées à l’attention de la France

  1. Développer des points d’accès à l’eau gratuits dans l’espace public et les institutions publiques, afin de répondre aux problématiques de disponibilité et d’accès à l’eau des populations en situation de précarité dans le littoral Nord, conformément à l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022.
  2. Assurer un accès à un volume d’eau potable conformément à l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, continu, et sécurisé pour toutes les personnes exilées présentes sur le littoral nord français dans le respect de l’ODD 6.1.
  3. Assurer un accès continu, inconditionnel et sécurisé à des infrastructures d’assainissement (toilettes) en nombre suffisant au regard des normes humanitaires SPHERE pour toutes les personnes exilées présentes sur le littoral nord français, dans le respect de l’ODD 6.2.
  4. Assurer un accès inconditionnel et sécurisé à des infrastructures d’hygiène (douches et lave-linge) pour toutes les personnes exilées présentes sur le littoral nord français, dans le respect de l’ODD 6.2, tout en assurant un séchage des affaires personnelles gratuit.
  5. Prendre des mesures pour améliorer la salubrité des lieux de vie sur le littoral nord français par la mise en place d’une collecte régulière des ordures ménagères garantissant l’absence de déchets.
  6. Assurer une coopération et une communication régulières des services de l’Etat à l’égard des acteurs associatifs, dans la conception et l’évaluation des solutions en EHA précitées à destination des personnes exilées sur le littoral nord français.

Les prochaines étapes

Ces deux contributions ont été partagées au Conseil aux Droits de l’Homme des Nations Unies fin septembre.

Des pré-sessions sont organisées par UPR info du 3 au 6 avril à Genève pour donner aux institutions nationales des droits humains et aux organisations de la société civile un espace de parole. Il s’agit d’une véritable plateforme internationale pour faire remonter les situations de manquement aux droits humains.

La Coalition Eau interviendra lors des pré-sessions concernant la France (le 4 avril à 11h30) et portera ses recommandations auprès des représentants et représentantes des Etats membres de l’ONU de la situation des droits humains à l’eu et à l’assainissement en France.

Les prochaines étapes à venir sont les suivantes :

  • Le rapport national de la France a été présenté le 6 février 2023.
  • Les pré-sessions pour l’examen de la France sont prévues du 3 au 6 avril 2023 à Genève
  • L’examen officiel de la France est prévu le 1er mai
  • Le rapport de l’EPU sur la situation en France sera publié le 5 mai
  • L’adoption du « rapport final » sur la France aura lieu en septembre / octobre 2023

Pour aller plus loin :