Réaction de la Coalition Eau

Nomination de l’Envoyée Spéciale des Nations Unies sur l’eau

Le 13 septembre dernier, le Secrétaire Générale des Nations Unies, Antonio Guterres, a nommé une Envoyée spéciale des Nations Unies sur l’eau, une première dans l’histoire de l’ONU. Retno Marsudi, actuelle Ministre des Affaires Etrangères d’Indonésie et ancienne ambassadrice, prendra ses fonctions à partir du 1er novembre, au terme de son mandat gouvernemental.

© UN Photo/Manuel Elías

La Coalition Eau salue la création de ce poste, qui est l’aboutissement d’un long processus diplomatique lancé il y a plus de 2 ans. C’est aussi une demande de longue date des ONG/OSC, que la Coalition Eau a porté dans le cadre de la campagne « S-EAU-S : des engagements, pas des abonnés absents » pour la Conférence des Nations Unies sur l’eau de mars 2023.

Fortement attendue, il s’agit d’une évolution encourageante pour la prise en compte des enjeux de l’eau par les Nations Unies, alors que le système multilatéral est historiquement lacunaire sur le sujet de l’eau. Toutefois, si des progrès pour améliorer la gouvernance mondiale de l’eau sont en cours (avec l’organisation de la Conférence sur l’eau de 2023 et celles à venir de 2026 et 2028, la nomination de l’Envoyée Spéciale et la nouvelle stratégie du système des Nations Unies sur l’eau de juillet 2024), ceux-ci ne permettent pas encore une réponse satisfaisante de la communauté internationale face à la crise mondiale de l’eau, aux conséquences désastreuses pour l’ensemble de la planète.

Nos attentes sont fortes. Au-delà de la nomination, il faudra que la mise en place de ce poste permette de réelles avancées : faire de l’eau une priorité de l’agenda international, renforcer la mobilisation politique et financière, provoquer des décisions de la communauté internationale... Le mandat de l’Envoyée Spéciale devra également permettre d’améliorer la coordination des travaux des agences de l’ONU sur l’eau afin de réduire la fragmentation de la gouvernance mondiale de l’eau. Nous attendons également que l’Envoyée Spéciale joue un rôle clé de coordination entre les différents événements et initiatives internationales sur l’eau, pour assure une continuité dans les actions et veiller à une dynamique de progrès.

Cependant, certains prérequis sont nécessaires à la réussite de cette fonction. Il faudra que les membres des Nations Unies soient prêts à lui accorder un mandat politique fort, qui lui permette d’avoir une voix qui compte, d’interpeller directement les Etats et de préparer des décisions de l’ONU. Par ailleurs, des moyens financiers alignés aux ambitions de cette nouvelle fonction seront nécessaires. La France, qui a soutenu la création de ce poste et s’est engagé à l’appuyer lors de la Conférence des Nations Unies de 2023, pourrait contribuer. Un autre facteur de succès essentiel sera la capacité de Madame Retno Marsudi, qui dispose d’une longue expérience dans la diplomatie mais pas dans le secteur de l’eau, à s’imposer comme une « leader » internationale et à incarner fortement le sujet de l’eau.

Un point d’attention pour nos organisations sera son ouverture à la société civile : il est essentiel que l’Envoyée Spéciale dialogue avec les ONG/OSC. Nous notons que Retno Marsudi était Ministre des Affaires Etrangères d’Indonésie pendant l’organisation du Forum Mondial de l’Eau à Bali en mai 2024, lequel a été marqué par une faible ouverture à la société civile et, surtout, par l’interdiction du Forum alternatif par les autorités, avec des répressions et menaces sur ses organisateurs. Nous proposons que l’Envoyée Spéciale s’entoure d’un comité de conseillers, dont feront partie des représentants de la société civile.

Enfin, nous attendons que l’Envoyée Spéciale place certains sujets prioritaires au cœur de son mandat :

  • le respect et la réalisation des droits humains à l’eau et à l’assainissement ;
  • la reconnaissance de l’eau comme un bien commun ;
  • les crises humanitaires liées à l’eau ;
  • la coopération internationale et le renforcement de la gouvernance mondiale de l’eau ;
  • et, enfin, les financements et les moyens de mise en œuvre qui font cruellement défaut pour l’atteinte de l’ODD 6 sur l’accès universel à l’eau et à l’assainissement et la bonne gestion des ressources en eau d’ici 2030.

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