Le 7ème Forum Mondial de l’Eau (FME) qui vient de s’achever à Daegu et Gyeongbuk, en Corée du Sud, aura laissé aux organisations de la société civile un goût amer. Car si les Forums Mondiaux de l’Eau sont actuellement les seuls espaces internationaux d’échanges multi-acteurs sur l’eau, force est de constater que leur portée réelle reste à prouver et que cette dernière édition aura été marquée par les dysfonctionnements.
Un Forum marqué par la faiblesse de ses processus
Le 7ème Forum, dont le mot d’ordre était la « mise en œuvre » après la mise en exergue des « solutions » du 6ème Mondial de l’Eau, s’enorgueillit de ses résultats. Et pourtant, celui-ci est loin d’être une réussite :
- Un processus politique à l’influence relative : les Déclarations ministérielles adoptées tous les 3 ans sont censées servir de catalyseur politique. La Déclaration, adoptée cette année par 120 pays, s’inscrit d’ailleurs positivement dans le cadre des grands enjeux internationaux que sont l’Agenda de développement post-2015 et la Conférence sur le Climat COP21. Toutefois, il n’y a aucune visibilité quant à la portée réelle de ces Déclarations et aucun suivi des engagements pris dans le cadre des Forums n’est effectué, malgré les annonces faites (voir notre article). Concernant les autres volets du processus politique, on ne notera pas d’avancées significatives par rapport au Forum précédent : le processus parlementaire réaffirmant les engagements précédents et insistant sur la mise en œuvre du Helpdesk parlementaire (voir la déclaration parlementaire), déjà en discussion par le passé, et le processus autorités locales restant assez vide.
- Un processus régional qui marche plus ou moins bien selon les régions et qui, de façon générale, fonctionne de manière assez confidentielle et ne joue pas son rôle d’implication de la société civile.
- Un processus thématique qui reste le processus phare du Forum mais dont le contenu est très inégal, qui n’implique pas assez les acteurs de la société civile du Sud et qui mériterait d’être redimensionné (on a assisté à de nombreuses sessions dans des salles quasi-vides alors que l’on comptait 400 sessions).
- Un processus Sciences et Technologie, dont on s’interroge encore sur l’utilité car marqué avant tout par la volonté des coréens de diffuser leurs innovations technologiques, comme réponse principale aux défis de l’eau.
Une société civile mise, de fait, à l’écart
Le 7ème Forum Mondial de l’Eau avait initialement affirmé sa volonté d’impliquer la société civile, notamment à travers l’organisation d’un Forum citoyen et un soutien financier pour la venue de partenaires du Sud. Si l’intention peut être saluée, la réalité a été tout autre. Le Forum citoyen s’est révélé un échec total : localisé dans la ville de Gyeongbuk alors que le cœur du Forum se trouvait à Daegu, isolé, ce Forum est resté désespérément vide toute la semaine. Les organisations de la société civile qui avaient prévu sessions, évènements et animations portant leurs messages et valorisant leurs savoir-faire, en ont malheureusement fait les frais.
Quant au soutien financier, celui-ci s’est avéré extrêmement limité et difficile d’accès, ce qui n’a pas permis une véritable mobilisation et participation de la société civile, tant du Sud que du Nord. Sans compter l’organisation complexe du Forum, dans sa préparation comme dans sa tenue, qui a été un frein supplémentaire à l’implication des citoyens. Par ailleurs, il serait difficile de ne pas mentionner le fait que ces velléités de la Corée du Sud d’intégrer la société civile au sein du Forum sont loin de se répercuter sur le plan national : aujourd’hui encore, nombre d’organisations de la société civile coréennes se heurtent à des difficultés juridiques et financières qui restreignent leurs activités.
Et le reste…
Enfin, outre la question du coût financier de ce type d’évènements, on restera frappé par le mélange des genres, l’espace d’exposition mêlant stands des pays et stands commerciaux ressemblant en beaucoup d’aspects à une foire exposition, ainsi que par le coût environnemental du Forum avec des centaines de milliers de bouteilles d’eau en plastique distribuées dans un Forum censé traiter des questions de gestion et de préservation de la ressource.
Face à l’ensemble de ces difficultés, on peut s’interroger sur la portée réelle et l’intérêt des Forums Mondiaux de l’Eau, ainsi que sur la place de la société civile en leur sein. Alors que le 8ème Forum se tiendra en 2018 à Brasilia, au Brésil, ces espaces font face à un challenge de taille : redresser la barre pour que l’eau soit portée au plus haut au sein des grands enjeux internationaux actuels, notamment sur le post-2015 et le climat, renforcer leur portée politique et leurs contenus, intégrer pleinement la société civile, notamment du Sud, afin que la voix des citoyens soit entendue.
Les organisations de la société civile ne sont plus prêtes à composer avec un Forum spectacle et des effets d’annonce perpétuels : après le « temps des solutions » et le « temps de la mise en œuvre » des derniers Forums, doit maintenant venir le « temps du changement ».
Téléchargez notre article ci-dessous, les déclarations ministérielles et parlementaires, ainsi que le bilan du Forum réalisé par le Partenariat Français pour l’Eau.