Nations Unies

Examen de la France par le Comité des DESC

Les 2 et 3 octobre 2023, la France a été examinée par le Comité des Droits Economiques, Sociaux et Culturels de l’ONU à Genève dans le cadre de sa 74e session.

QU’EST CE QUE LE COMITÉ DES DESC?

Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CODESC) est un organe composé de 18 expert.e.s indépendant.e.s chargé.e.s de surveiller l’application du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels par ses États parties. Le Pacte porte sur les droits économiques, sociaux et culturels, notamment les droits à une alimentation adéquate, à un logement convenable, à l’éducation, à la santé, à la sécurité sociale, à l’eau et à l’assainissement, et au travail.

Le Comité s’efforce :

  • d’établir un dialogue constructif avec les États parties,
  • de déterminer si les normes relatives au Pacte sont appliquées par ces derniers,
  • d’évaluer la manière dont la mise en œuvre et le respect du Pacte pourraient être améliorés pour que l’ensemble de la population puisse pleinement exercer ses droits.

Plus d’informations sur le CODESC ici

CONTRIBUTION DE LA COALITION EAU À L’EXAMEN

Contribution écrite

Les acteurs de la société civile, y compris les ONG et les institutions nationales des droits de l’homme, ont un rôle crucial à jouer pour aider le Comité à s’acquitter efficacement de son mandat.

En matière de droits humains à l’eau et à l’assainissement en France, la situation a connu des évolutions avec la mobilisation de nombreux acteurs depuis la crise sanitaire du Covid-19. La révision de la directive européenne sur l’eau potable en 2020 a fait évoluer le droit français de manière positive en matière d’accès à l’eau. En janvier 2023, une ordonnance relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine a étendu les compétences des collectivités pour qu’elles garantissent l’accès à l’eau potable même en cas d’absence de raccordement au réseau public pour les personnes en situation de précarité. Ces nouveaux textes apportent plusieurs avancées déterminantes pour tendre vers une plus grande effectivité du droit à l’eau en France. Malgré ces avancées, la Coalition Eau a partagé un rapport alternatif afin d’alerter le CODESC sur les difficultés critiques d’accès à l’eau et à l’assainissement de certaines populations présentes sur les zones géographiques du territoire français les plus dégradées :

  • En Outre-mer (Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Martinique, Mayotte) où l’eau est globalement peu ou pas accessible, polluée et chère, avec des situations régulières de rupture d’accès au service public d’eau.
  • Sur le littoral nord de la France à la frontière franco-britannique, spécifiquement pour les personnes exilées, pour qui l’accès à l’eau potable et à l’hygiène est un défi au quotidien et reste bien en-dessous des standards humanitaires de référence en situation de crise (Standards humanitaires SPHERE).

Contribution orale

En amont de l’examen par les expert.e.s du Comité DESC, une session d’échanges était ouverte à la société civile à Genève les 28 et 29 septembre 2023.

La Coalition Eau a pu y participer, aux cotés d’une quinzaine d’organisations, avec l’objectif de rappeler l’urgence de garantir un accès continu à l’eau potable et à l’assainissement pour toutes les personnes vivant en hexagone et en Outre-mer, et notamment pour les personnes migrantes présentes sur le territoire.

Les messages de la Coalition Eau

  • Exhorter la France à garantir un accès continu et abordable à une eau potable de qualité pour toutes les populations vivant dans les territoires français d’outre-mer, conformément à l’ordonnance n°2022-1611 du 22 décembre 2022
  • Exhorter la France à éliminer les interruptions de services d’eau potable en Outre-Mer, grâce à la rénovation des réseaux, l’amélioration des taux de rendement et l’augmentation des moyens de production d’eau potable
  • Exhorter la France à assurer l’accès à 50 litres d’eau potable en continu par jour et par personne, ainsi qu’un accès inconditionnel, continu et sécurisé à des installations sanitaires et d’hygiène pour toutes les personnes exilées présentes sur le littoral nord, conformément à l’ordonnance n°2022-1611 du 22 décembre 2022

EXAMEN OFFICIEL DU CODESC

L’examen officiel s’est déroulé les 2 et 3 octobre à Genève.

  • Compte-rendu de l’examen du CODESC ici
  • Enregistrement vidéo ici
  • Article de la DIHAL, qui intervenait dans le cadre de l’examen ici

Plusieurs expert.es ont fait part de préoccupations relatives aux inégalités dans les territoires d’outre-mer, les conditions d’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour certains populations, ainsi que les problématiques de pollution des eaux. Plusieurs de leurs inquiétudes recoupent des sujets portés par la Coalition Eau :

  • Le manque de disponibilité et de qualité de l’eau potable dans certaines régions, notamment dans les territoires d’outre-mer, particulièrement en Guadeloupe.
  • Les conditions de vie déplorables des migrants et demandeurs d’asile dans les campements informels, sans accès à l’eau, à l’assainissement, à une alimentation adéquate et à des services de santé.
  • Le nombre insuffisant et les conditions de vie des aires d’accueil pour les gens du voyage, situées souvent dans des zones insalubres, en dehors des villes, sans accès à des services de base tels que l’eau et l’assainissement.
  • Le nombre élevé des personnes sans-abri, ainsi que des personnes vivant dans des lieux de vie informels.
  • La pollution des eaux y compris en raison de l’utilisation de pesticides, notamment en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique, entraînant de graves problèmes de santé au sein de la population et un manque d’accès à l’eau potable.
  • Les disparités entre les Départements et régions d’outre-mer et collectivités d’outre-mer et le reste de la France avec une pauvreté extrême de 5 à 15 fois plus fréquente qu’en France métropolitaine et des inégalités persistantes signalées dans les secteurs de l’éducation, du logement et de la santé, y compris l’accès à l’eau potable.
  • La situation à Calais, en particulier des restrictions juridiques et pratiques à la fourniture et à l’accès à l’aide humanitaire aux migrants ; de même que s’agissant de la nouvelle loi sur l’immigration en cours d’adoption.
  • Les inégalités dans l’accès aux droits économiques, sociaux et culturels dans les Départements et régions d’outre-mer et collectivités d’outre-mer (DROM-COM), avec notamment l’évocation de la loi de 2017 pour l’égalité réelle dans l’Outre-mer, ainsi que d’autres dispositions en matière sociale et économique qui n’ont toujours pas trouvé d’application effective.

Les recommandations du CODESC

En matière de droit à l’eau, le Comité exhorte la France :

  • À redoubler d’efforts pour garantir l’accès à une eau potable de qualité à l’ensemble de la population, en particulier aux groupes les plus défavorisés et marginalisés et à ceux qui vivent dans les territoires d’outre-mer et des zones touchées par le manque d’eau ;
  • À veiller à une protection efficace des ressources en eau, notamment en luttant contre les effets néfastes de la pollution due aux activités économiques ;
  • À prévoir des sanctions et des pénalités pour les entreprises qui, par leurs activités, polluent les ressources en eau ;
  • À mettre en place un système adéquat et durable de gestion et de traitement des eaux usées ;
  • À élargir les programmes de réparation pour les personnes touchées par la pollution des eaux, notamment en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique ;
  • À élaborer une stratégie à long terme afin de garantir que les habitants de Guyane, de Guadeloupe et de Martinique ont accès à l’eau et à des aliments exempts de contamination.

Pour aller plus loin