Etat des lieux

Politique de coopération de la France et aide au développement 

L’influence de la politique de développement de la France dans le domaine de l’Eau, l’Assainissement et l’Hygiène (EAH) fait partie des chantiers de plaidoyer majeurs de la Coalition Eau. La Coalition Eau se mobilise pour que l’eau et l’assainissement soient une priorité politique et financière, à la hauteur des enjeux du secteur. 

Depuis sa création, la Coalition Eau réalise une veille sur l’évolution des montants d’APD pour l’EAH et plaide pour une APD ambitieuse, juste, de qualité et ciblée prioritairement sur les besoins des plus vulnérables grâce, notamment, à l’augmentation des dons bilatéraux. 

La place de l’EAH dans les textes encadrant la coopération internationale 

Loi de de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (LOP-DSLIM) 

Promulguée en 2021, la Loi de de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (LOP-DSLIM) prévoit pour la première fois une programmation financière avec une trajectoire visant à consacrer 0,7 % de la richesse nationale à l’aide publique au développement (APD) en 2025 (avec une augmentation des dons : +2 385 millions €). 

La programmation financière reste cependant soumise à une clause de revoyure dès 2022 et n’a donc été contraignante que pour une année. 

Il est également prévu une hausse de l’APD transitant par la société civile avec un doublement des fonds entre 2017 et 2022. 

Des moyens supplémentaires en dons sont ainsi dégagés, mais des questions subsistent: 

  • Quel rééquilibrage prêts-dons de l’APD française ? 
  • Quelle augmentation de la part de la Taxe sur les Transactions Financière ? 
  • Quelles dépenses prises en compte dans l’APD ? Gonflement artificiel de l’APD, opéré par l’intégration des frais de santé des migrants à partir de 2019, dons de vaccins et frais d’écolage. 
  • Quelle ventilation sectorielle ?  

Dans la LOP DSLIM, le secteur de l’EAH est la 4ème des priorités sectorielles de la coopération française (6 priorités sectorielles, 4 priorités thématiques transversales, des priorités géographiques). En faisant de l’eau et l’assainissement la 4ème priorité sectorielle, la loi affirme la place importante accordée à ce secteur dans l’action extérieure de la France, au même titre que les autres secteurs sociaux de base, tels la santé, l’éducation ou l’alimentation. 

Le paragraphe dédié à l’EAH présente des axes stratégiques pertinents pour le secteur, bien que non exhaustifs : mise en œuvre des droits humains à l’eau et à l’assainissement, attention portée à l’hygiène, gestion intégrée et équitable des ressources en eau, adaptation au changement climatique, amélioration de la gouvernance mondiale de l’eau, droit à l’eau en situation de crise humanitaire… 

La mention du rôle de la France dans la coopération diplomatique et multilatérale est importante : le paragraphe prévoit notamment que la France soutiendra la mise en place, au sein des Nations Unies, d’un comité intergouvernemental sur l’eau. 

Des manques sont à noter :  

  • Inconnue sur les mesures sur les financements  
  • Manque des dispositions prévues dans la Stratégie EAH : hausse des dons, ciblage des PMA et rééquilibrage des financements vers l’assainissement 
  • L’article analyse de la LOP DSILM 2021 est à retrouver ici 

La stratégie internationale EAH de la France (2020-2030) 

La Stratégie internationale EAH de la France (2020-2030) a été adoptée en 2020, suite à un processus participatif que les ONG ont fortement influencé. Elle constitue un document d’orientation politique pour l’action extérieure de la France dans le domaine de l’eau, l’assainissement et l’hygiène. 

2 objectifs :  

  • L’accès universel et équitable à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène 
  • La Gestion Intégrée des Ressources en Eau à l’échelle des bassins versants 

Axes stratégiques : 

  • Améliorer la gouvernance du secteur de l’eau et de l’assainissement, de l’échelle locale à l’échelle mondiale ; 
  • Renforcer la sécurité d’approvisionnement en eau pour tous dans un contexte d’accroissement des pressions sur la ressource et de multiplication des crises liées à l’eau ; 
  • Renforcer l’efficacité des moyens et des outils, en privilégiant le développement de solutions innovantes et de mécanismes solidaires de financement. 

Des avancées : 

  • Reconnaissance de la prépondérance des prêts dans l’EAH et du manque de dons. 
  • Enjeu identifié d’améliorer le ciblage vers les Pays les Moins Avancés, en particulier les Pays Pauvres Prioritaires de la coopération française. 
  • Renforcement de la part d’APD transitant par les ONG.  
  • Rééquilibrage des financements entre eau et assainissement, avec une cible ambitieuse : en 2030, la moitié de l’APD du secteur doit être dédiée à l’assainissement 
  • Analyse de l’action EAH du Centre de Crise du MEAE lors des crises humanitaires (mais manque une orientation en matière de financements d’urgence) 
  • Un cadre de redevabilité 

Des limites :  

  • Aucune cible chiffrée précisée (en dehors de celle sur l’assainissement), pas de précisions sur les moyens de mise en œuvre  
  • Reste l’enjeu de l’application et d’un portage politique fort au niveau du gouvernement 
  • L’article d’analyse de la stratégie internationale EAH de la France est à retrouver ici 

Le cadre d’intervention sectoriel (CIS) EAH de l’AFD – 2021 

Il s’agit d’un document aligné avec la stratégie internationale EAH de la France. L’AFD l’a produit suite à ce processus. 

3 orientations : 

  1. Réduire les inégalités d’accès à l’eau et à l’assainissement 
  1. Améliorer la gouvernance pour des services performants et pérennes 
  1. Agir à l’échelle territoriale pour plus de résilience 

Ce CIS intègre de nouveaux aspects intéressants : réduction des inégalités, dispositifs sociaux, liens EAH/ santé/ éducation, participation citoyenne, GIRE, les zones de crise et conflit… 
 
En termes de production financière, le CIS intègre une cible de montant d’engagements entre 1 et 1,2 Md€ ; mais pas de trajectoire par instruments (prêts/dons). A noter : les engagements de l’AFD ne sont pas tous comptabilisés comme de l’Aide Publique au Développement par l’OCDE, car il s’agit en partie de prêts non concessionnels. 
 
On note l’intégration d’une cible de 40% des projets dédiés à l’assainissement d’ici 2025 (qui correspond à une cible intermédiaire pour atteindre celle de la stratégie internationale du MEAE – 50% à horizon 2030). 
 
Enfin, le CIS intègre une cible de 30% vers l’Afrique (sans distinction Maghreb/Afrique Subsaharienne) mais ne propose aucune cible de financements vers les PMA. 
 
Parmi les nouveaux indicateurs : 

  • Indicateur sur l’accès aux services EAH dans les centres de santé et les écoles 
  • Indicateur sur le nombre de bénéficiaires totaux du projet en zone crise et/ou fragile 
  • Indicateur sur le montant des engagements consacrés aux territoires urbains (y compris villes secondaires, périurbain, quartiers précaires) et territoires ruraux 
  • Indicateur sur le montant d’engagements (en nombre de projets) avec une approche de participation citoyenne 
  • Indicateur sur le montant des engagements consacrés à la GIRE, à la gestion des inondations et SFN 
  • Indicateur et cible sur les projets incluant des dispositifs sociaux 

Il manque certains indicateurs importants : 

  • Aucun indicateur de résultat relatif aux dispositifs de GIRE ou à la durabilité de la ressource   
  • Aucun indicateur sur le renforcement du capital humain et renforcement d’acteurs 
  • Aucun indicateur sur la capacité de renouvellement des infrastructures ou sur la connaissance de la ressource en eau 

Le CICID de 2023

Le Comité Interministériel de la Coopération Internationale et du Développement (CICID) s’est réuni en juillet 2023, sous la présidence de la Première ministre et a adopté des orientations de la politique de coopération internationale et de l’aide publique au développement.

Si les orientations de la politique de développement sont définies par la loi sur le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales (LOP DSLIM) de 2021, les conclusions du CICID viennent préciser les objectifs, les moyens et les modalités de « l’action de la France en matière d’investissement solidaire et durable ». Elles traduisent notamment en termes opérationnels les 10 objectifs stratégiques fixés en mai par le Conseil présidentiel pour le développement, objectifs qui sont précisés à travers des indicateurs de pilotage et de suivi et à partir desquels seront élaborés les futurs contrats d’objectifs et de moyens des opérateurs de l’aide française (dont l’AFD).

A travers ce CICID, le gouvernement promeut l’évolution du concept de solidarité internationale vers un nouveau paradigme autour du terme « d’investissement solidaire et durable ». Les conclusions du CICID mettent ouvertement en avant l’ambition de servir davantage avec les intérêts économiques et les priorités politiques françaises. Cette politique est ainsi présentée comme « à la fois un vecteur de solidarité et donc d’influence, et s’inscrira, plus que jamais, dans une logique de partenariat et de valeurs partagées. »

Selon Coordination SUD, la coordination nationale des ONG françaises de solidarité internationale, la politique de développement solidaire se doit de poursuivre scrupuleusement les objectifs qui lui sont propres, en premier lieu la réponse aux besoins du développement des pays les plus pauvres et le soutien aux populations vulnérables. Elle ne peut en aucune manière devenir un instrument de pression reposant sur les vulnérabilités des populations des pays. La nouvelle doctrine définie par le Gouvernement tend à se rapprocher de cette instrumentalisation en faisant de l’influence économique au profit des intérêts des entreprises nationales l’un des objectifs premiers de la politique de financement du développement. Une doctrine qui ne reflète en aucun cas l’esprit de la loi sur le développement solidaire de 2021 et met en danger la crédibilité de la France vis-à-vis de ses partenaires internationaux.

  • Analyse des conclusions du CICID par Coordination SUD, ici
  • Tribune « Nous appelons à revenir sur le recul sans précédent des engagements de la France pour la solidarité internationale », publiée sur LeMonde.fr, ici

Si certains services sociaux de base, comme la santé et l’éducation sont bien pris en compte parmi les 10 objectifs stratégiques de la France, aucun objectif prioritaire n’est dédié spécifiquement à l’eau, alors qu’il s’agissait d’un secteur prioritaire dans la loi LOP-DSLIM.

L’enjeu de l’accès à l’eau et à l’assainissement est toutefois présent indirectement dans plusieurs objectifs, à travers deux indicateurs de redevabilité (Annexes des conclusions du CICID) :

  • Pour l’objectif 2 (protection des réserves de carbone et de biodiversité), un indicateur permettra d’identifier les superficies bénéficiant d’un programme de conservation, de restauration ou de gestion durable de la biodiversité terrestre, aquatique et maritime et dont l’état des écosystèmes a été améliorée.
  • Pour l’objectif 6 (infrastructures stratégiques dans les pays en développement), un indicateur spécifique permettra de suivre le nombre de personnes gagnant un accès durable à une infrastructure essentielle : eau, électricité, transport, assainissement….

  • Consultez l’analyse complète de la Coalition Eau ici

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