Tribune

Baisse de l’APD : La France actera-t-elle son abandon des populations les plus pauvres ?

Tribune de Coordination SUD publiée en ligne le 5 octobre 2024 sur Jeune Afrique.

Alors que le sommet de la Francophonie se tient à Paris et Villers-Cotterêts cette fin de semaine, Emmanuel Macron accueille une nouvelle fois des chefs d’État du monde entier. Nous, organisations de la société civile, nous interrogeons : quelle sera la prochaine promesse non tenue ?

Ces derniers mois, la France s’est tristement illustrée par son renoncement à faire preuve de solidarité auprès des populations les plus pauvres de la planète. Coupes budgétaires après coupes budgétaires, en quelques mois à peine, près de 2 milliards d’euros seraient amputés à l’Aide Publique au Développement (APD) si le nouveau gouvernement suit les lettres plafond établies par le gouvernement démis. La France, qui vient de marquer les esprits du monde entier par l’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques symboles de solidarité et d’inclusion serait ainsi prête à sabrer plus d’un quart de ses financements à la solidarité internationale. Cela irait à l’encontre de la loi de 2021, votée à l’unanimité et des engagements internationaux de la France, mettant en péril le soutien à des millions de personnes vulnérables.

Nos organisations, chaque jour sur le terrain, font face aux ravages des inégalités et de la pauvreté partout dans le monde et se trouvent aujourd’hui désemparées et dans une incompréhension totale quant à ces récentes décisions. En effet, en 1970, la France s’était engagée devant l’ONU à mobiliser l’équivalent de 0,7% de son Revenu Nationale Brut (RNB) au profit de la solidarité internationale. Or, la France n’a jamais honoré cette promesse et semble même l’avoir oubliée puisque l’Aide Publique au Développement (APD) de la France a chuté à 0,5% de son RNB en 2023.

Pourtant, les besoins, eux, ne chutent pas. Ils s’accélèrent même dans certains pays face aux changements climatiques et la hausse des conflits armés. Dans le monde, 1 personne sur 9 souffre de la faim. 250 millions de filles et de garçons n’ont pas accès à la scolarité. Depuis plusieurs semaines, la propagation du virus Mpox mobilise plus que jamais les associations sur le terrain. Face à ce creusement des inégalités et au recul du respect des droits, l’APD est une grande part de la solution qui a depuis longtemps fait ses preuves. Au service d’une coopération en dehors des marchés financiers, l’APD fournit l’aide humanitaire, soutien des projets d’adaptation climatique, promeut les services sociaux ou bien renforce les organisations de la société civile. C’est un investissement essentiel pour notre avenir collectif, à toutes et tous.

Aujourd’hui, la France brandit son déficit pour justifier de nouvelles baisses de l’Aide Publique au Développement. Mais pour construire un budget, d’autres solutions que les coupes budgétaires existent. Alors qu’une partie de ses recettes est directement affectée à la solidarité internationale, la taxe sur les transactions financières est une solution idéale pour lever des fonds afin de soutenir les populations les plus vulnérables. Pourtant, si nos organisations ont applaudi sa mise en place en 2012, elles n’ont cessé de dénoncer les faiblesses de cet impôt à cause du maigre taux de 0,3% (contre 0,5% au Royaume-Uni) et de l’exemption du trading à haute fréquence. Un récent rapport, de l’ONG Action Santé Mondiale, a même prouvé que de graves failles dans le recouvrement de la TTF faisaient perdre entre 1 et 3 milliards d’euros à l’Etat chaque année ! La taxe de solidarité sur les billets d’avion représente elle aussi une mesure juste pour financer la solidarité internationale. Son barème pourrait être revu à la hausse, par exemple sur le modèle du Royaume-Uni, ce qui augmenterait de plus de 3 milliards d’euros supplémentaires par an ses recettes.

Alors que le gouvernement parle de dérapage budgétaire inattendu, la coupe annoncée dans le financement de la solidarité internationale est en réalité une décision politique majeure. Avec le Projet de loi de finances à venir, la France ne peut pas prendre la décision funeste de faire des économies sur le dos des plus vulnérables de cette planète. Au lieu du repli sur soi, la France peut réaffirmer sa volonté de soutenir les femmes et les hommes frappés par la pauvreté et imposer enfin une taxe sur les transactions financières ambitieuse qui sauve et change des vies. La France peut réaffirmer qu’elle est une nation qui mise sur la coopération entre les peuples et non un état qui piétine les valeurs de solidarité et d’humanité.

Organisations signataires : 

Action contre la faim, Aïcha Koraïchi, Présidente Action Education, Gilles Delecourt, Directeur général Action Santé mondiale, Patrick Bertrand, Directeur exécutif 
ActionAid France, Luc De Ronne, PrésidentAgrisud International, Joël Lebreton, PrésidentAgronomes et Vétérinaires sans frontières, Christophe Chauveau, Directeur général
Agronomes et Vétérinaires sans frontières, Frédéric Apollin, Directeur général déléguéAIDES, Camile Spire Présidente AIME, Diane Boulard, Responsable volontariat 
Amref Health Africa France, Léon Josselin, Délégué généralAPDRA Pisciculture paysanne, Delphine Lethimonnier, DirectriceAsmae – Sœur Emmanuelle, Adrien Sallez, Directeur général
Association La Voute nubienne, Sylvia Maeght, Directrice adjointe Batik International, Pauline De La Cruz, Présidente Bioport, Nicolas Petit, Directeur général 
Care France, Emanuela Croce, Codirectrice Care France, Alexandre Morel, Codirecteur CARI, Patrice Burger, Président 
CartONG, Claire Chaillou-Gillette, Présidente CCFD-Terre Solidaire, Virginie Amieux, Présidente CLONG-Volontariat, Daniel Verger, Président 
Coalition Eau, Sandra Metayer, CoordinatriceCoalition Éducation, Léa Rambaud, CoordinatriceCoalition PLUS, Vincent Leclercq, Directeur général
Comité français pour la solidarité internationale, Anne-Françoise Taisne, Déléguée généraleCommerce équitable France, Julie Stoll, Déléguée généraleCoordination des associations guinéennes de France (CAGF), Daouda Conté, Président 
Experts-Solidaires, Éric Buchet, Président Fédération Artisans du monde, Yannick Anvroin, Administrateur et membre du bureau collégial Fédération des associations guinéennes en Hauts-de-France, Alhassane Diallo, Président 
Fédération Léo Lagrange, Elora Hervé, Responsable des programmes internationauxFIDH, Eléonore Morel, Directrice générale Fondation Danielle Mitterrand, Gilbert Mitterrand, président 
Fondation Une santé durable pour tous, Benoit Miribel, Président Forim, Mackendie Toupuissant, PrésidentGeres, Laurence Tommasino, Déléguée générale 
GRDR Migration-Citoyenneté-Développement, Jean-Marc Pradelle, PrésidentGret, Luc Arnaud, Directeur général Groupe Initiatives, Marie-Noëlle Reboulet, Présidente 
Habitat Cité, Marie Pascal, Directrice Habitat Cité, Amadou Diouldé Barry, Coordinateur administratif et financier Hamap-Humanitaire, Martine Gernez, Présidente 
Handicap International, Manuel Patrouillard, Directeur général Helen Keller Europe, Alix de Nicolay, Directeur général Initiative Développement, Agnès Rossetti, Présidente 
Inter Aide, Lionel Combey, Directeur Iram, Henri Leturque, Directeur Kynarou, Sophie Lehideux, Directrice
Ligue des Droits de l’Homme, Nathalie Tehio, Présidente Le Partenariat, José Mariage, Directeur général Les Amis des Enfants du monde, Béatrice Musseau, Présidente 
Médecins du monde, Jean-François Corty, Président ONE, Stephan Exo-Kreischer, Directeur exécutif Europe Oxfam France, Cécile Duflot directrice générale 
Partage avec les enfants du monde, Yolaine Guérif, Directrice générale Plan International France, Anne Bideau, Directrice générale Planète Enfants & Développement, Véronique Jenn-Treyer, Directrice 
Planning familial, Sarah Durocher, Présidente Plateforme des associations congolaises de France, Kilema Kaminimini, vice-président Samusocial International, Jacques Carles, Président 
Santé Sud, Benjamin Soudier, Directeur général Secours catholique-Caritas France, Adelaïde Bertrand, Déléguée générale Seves, Romain Desvalois, Délégué général 
Sidaction, Florence Thune, Directrice générale SOL, Alternatives agroécologiques et solidaires, Audrey Boullot CodirectriceSolidarité laïque, Anne-Marie Harster, Présidente 
Solidarités International, Kevin Goldberg, Directeur général Solthis, Serge Breysse, Directeur généralSOS Villages d’enfants, Isabelle Moret, Directrice générale 
Terre des Hommes France, Didier Vaubaillon, Président Triangle Génération humanitaire, Stanislas Bonnet, Directeur général Un Enfant par la main, Maud Lhuillier, Directrice 
WWF France, Véronique Andrieux, Directrice générale 

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Contact presse

Marie-Pierre Liénard, lienard@coordinationsud.org – Tél : 01 44 72 03 78 / 07 76 78 15 19

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