PRÉCONISATIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

ACCÈS AUX INSTALLATIONS SANITAIRES POUR TOUTES ET TOUS

Note de position de la Coalition Eau et du Réseau de l’Assainissement Écologique, accessible en téléchargement en bas de l’article.

Contexte

Un processus de révision de la directive européenne sur les eaux résiduaires urbaines (DERU) a été engagé au niveau européen et s’est finalisé en décembre 2024. Le texte de la directive révisée a été publié au Journal Officiel européen le 12 décembre 2024.

Cette révision a permis l’intégration d’un nouvel article (numéro 19) demandant aux Etats membres de « prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir l’accès aux sanitaires pour tous, en particulier pour les groupes vulnérables et marginalisés », au plus tard d’ici janvier 2029.

Les Etats membres de l’Union Européenne ont 30 mois pour transposer la directive révisée dans leur droit interne.

Article 19 sur l’accès aux sanitaires

Sans préjudice des principes de subsidiarité et de proportionnalité, et en tenant compte des perspectives et des conditions locales et régionales en matière de sanitaires, les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour garantir l’accès aux sanitaires pour tous, en particulier pour les groupes vulnérables et marginalisés.

À cette fin, les États membres veillent, au plus tard le 12 janvier 2029 à :

  1. Déterminer quelles personnes n’ont pas accès ou n’ont qu’un accès limité aux installations sanitaires, en accordant une attention particulière aux groupes vulnérables et marginalisés, et à justifier cet état de fait,
  2. Évaluer les possibilités d’améliorer l’accès aux installations sanitaires pour ces personnes,
  3. Encourager la mise en place, dans les espaces publics, d’un nombre suffisant d’installations sanitaires accessibles gratuitement et, en particulier pour les femmes, en toute sécurité, pour toutes les agglomérations égales ou supérieures à 10 000 Equivalent Habitant (EH), et à veiller à fournir une information appropriée du public au sujet de ces installations,
  4. Encourager les autorités compétentes à mettre à disposition, dans les bâtiments publics, en particulier dans les bâtiments administratifs, un nombre suffisant d’installations sanitaires accessibles gratuitement, pour toutes les agglomérations égales ou supérieures à 5 000 EH,
  5. Encourager la mise à disposition, dans les restaurants, les magasins et les espaces privés similaires accessibles au public, d’installations sanitaires pour tous, accessibles gratuitement ou moyennant des frais de service peu élevés.

Ce qu’il faut retenir :

  • Une identification des personnes sans accès à des installations sanitaires, avec une attention particulière aux personnes vulnérables et marginalisées, personnes âgées, personnes porteuses d’un handicap, enfants, minorités (préambule),
  • Des mesures à prendre pour assurer à toute personne un accès à des installations sanitaires de qualité, hygiéniques et sécurisées, y compris dans les espaces et bâtiments publics,
  • Une liberté des États pour atteindre ces objectifs,
  • Une échéance donnée au 12 janvier 2029.

Objectifs de cette note

Les objectifs de cette note sont de :

  • Présenter les évolutions réglementaires récentes au niveau européen en matière d’accès à des installations sanitaires (partie II),
  • Caractériser la précarité d’accès à des installations sanitaires en France (partie III),
  • Proposer un référentiel d’accès à des installations sanitaires dans l’espace public et dans les lieux de vie précaires (partie IV),
  • Adresser des recommandations aux ministères français en vue de la transposition de l’article 19 de la directive européenne révisée sur les eaux urbaines résiduaires (partie V).

Préconisations pour la transposition de l’article 19 de la DERU en droit français

Evolutions juridiques

Le droit d’accès à des installations sanitaires n’est pas à proprement parlé présent dans le droit français.

Cependant, l’article CGCT L. 2224-12-1-1 se réfère au « droit d’accéder à l’assainissement » qui peut inclure le droit d’accès à des toilettes. Des tribunaux administratifs ont d’ailleurs reconnu le droit fondamental dans certaines de leurs décisions[1].

Par ailleurs, le Protocole sur l’eau et la santé (ratifié par la France en 2006) contient l’engagement des Etats de prendre toutes les mesures appropriées pour assurer « un assainissement adéquat d’une qualité propre à permettre de protéger suffisamment la santé de l’homme et l’environnement ».

C’est pourquoi la Coalition Eau et le Réseau de l’Assainissement Ecologique recommandent de :

  • Reconnaître et intégrer, dans le code de la santé publique[2], le droit de toute personne à accéder, au moins quotidiennement, à son domicile, dans son lieu de vie et dans l’espace public, à des installations sanitaires assurant son intimité, son hygiène et sa dignité.
  • Préciser dans le Code général des collectivités territoriales que les communes (directement ou via leurs établissements publics de coopération intercommunale) sont compétentes en matière d’accès aux sanitaires des publics, à l’instar des dispositions relatives à la distribution d’eau (Articles L2224-7-1 à L2224-7-4).
  • Inscrire une définition précise de la précarité d’accès à des sanitaires dans le Code de la Santé Publique : « La précarité d’accès aux sanitaires désigne la situation des personnes qui ne disposent pas, à proximité, d’un accès à des toilettes répondant aux critères suivants : coût abordable, propreté, sécurité et intimité, proximité raisonnable ». Un article réglementaire viendra préciser le contenu et la mise en œuvre opérationnelle de ces 4 critères.
  • Reprendre les éléments de la Proposition de loi n°1883 visant à garantir à tous un accès égal et gratuit aux toilettes, qui prévoit notamment (i) l’installation obligatoire de toilettes publiques gratuites et sans condition d’accès, en vue d’assurer la salubrité publique et la dignité de tous, dans les communes de plus de 2 500 habitants et (ii) qu’un quota minimum d’une unité de toilettes publiques pour 2 500 habitants doit être respecté.

Accompagnement et suivi

  • Prévoir un calendrier de réalisation de diagnostic sur l’accès aux sanitaires, en cohérence avec le calendrier fixé par la directive européenne (au 12 janvier 2029) et celui de l’ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l’accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine prévoyant la réalisation de diagnostics territoriaux sur l’accès à l’eau (prévoyant un délai de deux ans) : les diagnostics territoriaux sur l’accès aux installations sanitaires pourront être réalisés d’ici janvier 2028 et les mesures prises avant janvier 2029.
  • Compte tenu du retard pris dans la réalisation des diagnostics territoriaux sur l’accès à l’eau, encourager les collectivités compétentes à réaliser un diagnostic unique intégrant l’accès à l’eau potable et l’accès aux installations sanitaires.
  • Prévoir des indicateurs de suivi de mise en œuvre quantitatifs et qualitatifs, tels que proposés dans cette note, permettant d’évaluer les évolutions de l’accès aux installations sanitaires.
  • Intégrer, tout au long du processus d’identification et de mise en œuvre, des mécanismes de coopération et de coordination entre acteurs (État, collectivités, associations) afin de prendre en compte les expertises et réseaux des acteurs locaux, associatifs, bénéficiaires et organisations de la société civile concernées.
  • Accompagner les collectivités en termes d’ingénierie technique et sociale pour la mise en œuvre de ces nouvelles réglementations, incluant des formations des personnels d’entretien.
  • Prévoir un mécanisme financier permettant la mise en place des actions pour l’identification des publics et le déploiement de mesures adaptées, tel que proposé par la proposition de loi n°1883 visant à garantir à tous un accès égal et gratuit aux toilettes, déposée le mardi 21 novembre 2023. Cette PPL prévoit que : (i) la charge pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services ; et (ii) la charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
  • Prévoir des mécanismes de contrainte ou de sanction en cas de non-conformité à l’article 19.

[1] Texte de la directive (encore en cours de vote au niveau européen) : https://data.consilium.europa.eu/doc/document/ST-7108-2024-INIT/en/pdf

[1] Arrêts du Tribunal administratif de Lille (2 novembre 2015) et du Conseil d’Etat (novembre 2015 et 31 juillet 2017)

[2] Tel que présenté par le législateur dans la proposition de loi visant à garantir à tous un accès égal et gratuit aux toilettes, n° 1883, déposée le mardi 21 novembre 2023