L’eau en discussion aux Nations Unies
Une session officielle d’examen de l’ODD 6
Cette année, l’ODD 6 « Garantir l’accès de tous à l’eau et l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau » était à l’ordre du jour du FPHN. Une session officielle de 3 heures a tiré la sonnette d’alarme, sur la base du récent rapport de l’ONU-Eau : les tendances actuelles ne permettent pas l’atteinte de l’ODD 6 d’ici 2030.
- 30 % de la population n’aurait toujours pas accès à un service d’eau potable à domicile de qualité ;
- 60 % de la population mondiale n’aurait pas accès à des services d’assainissement de qualité ;
- 38 % des 110 pays ayant répondu à l’enquête qualifient leur niveau de mise en œuvre de la gestion intégrée des ressources en eau de « moyen-bas » ;
- 70 % des zones humides mondiales ont disparu ces 100 dernières années.
Session officielle dédiée à l’ODD 6 (© IISD)
A noter que les données pour évaluer les progrès de l’ODD6 sont encore largement insuffisantes et obligent les Agences onusiennes à produire des estimations qui reflètent partiellement les réalités.
Si les différentes interventions des panélistes et des États-membres ont essentiellement porté sur la nécessité d’agir de façon urgente et coordonnée, le format du FPHN n’a pas permis d’aller plus en profondeur sur les solutions. Les réflexions reflètent les messages fréquemment portés lors de grands évènements internationaux de la communauté de l’eau.
Ce format a donc été critiqué par de nombreux Etats-membres : « Est-il suffisant de discuter des enjeux liés à l’eau et à l’assainissement pendant 3 heures tous les 4 ans ? » a interpellé l’Allemagne. Plusieurs Etats membres ont plaidé pour la création de réunions politiques intergouvernementales régulières pour le suivi des ODD pour l’eau et l’assainissement, dont la France, qui, pour cela, a offert son temps de parole au Partenariat Français pour l’Eau.
Les discussions sont donc restées très généralistes, en contradiction avec l’urgence d’agir pour atteindre les objectifs : D’après les prévisions de WaterAid (lesquelles ont eu un fort écho médiatique lors du Forum), la population Togolaise dans son ensemble ne boira pas d’eau potable avant 2047, les Nicaraguayens avant 2180 et les Namibiens avant 2246. Quant à l’accès à l’assainissement pour tous, il faudra attendre l’an 2478 au Gabon et 3828 à Djibouti…
- Voir notre article d’analyse du rapport de synthèse sur l’ODD 6 produit par ONU-Eau ici
- Voir le blog de la Coalition Eau, du CNRS et du PFE sur la session du FPHN dédiée à l’ODD 6 ici
Pour une plus grande redevabilité des Etats sur l’ODD 6 : la participation de la Coalition Eau et de ses partenaires
L’un des enjeux du FPHN est d’accélérer la mobilisation de l’ensemble des acteurs tout en invitant les États à rendre des comptes sur la mise en œuvre de l’Agenda 2030 et à améliorer la concertation avec la société civile.
La Coalition Eau et ses partenaires internationaux End Water Proverty, Watershed et WSSCC, ont publié un rapport mondial sur les mécanismes de redevabilité existants au niveau des gouvernements pour l’ODD 6, évaluant leurs forces, leurs limites et leur efficacité. L’étude se base sur des études de cas menées dans 25 pays. Le rapport fait émerger des recommandations pour améliorer la redevabilité des acteurs nationaux. Cette initiative permet de renforcer les organisations de la société civile dans leur dialogue avec les gouvernements sur la mise en œuvre de l’ODD 6.
(© IISD)
Les conclusions de l’étude mondiale ont été présentées lors d’un événement-parallèle au FPHN, le 11 juillet 2018. Modéré par Catarina de Albuquerque, Présidente du Partenariat Sanitation and Water for All, l’événement a permis d’appeler à un renforcement des mécanismes de redevabilité pour l’ODD 6 et à l’inclusion des différentes parties prenantes dans le dialogue national.
- Lire le résumé de l’événement et voir les photos (par IISD) ici
- Toutes les informations sur l’étude ici
Le segment politique du Forum
La phase ministérielle du Forum
Les trois derniers jours du FPHN ont constitué le segment ministériel, avec la présentation de Revues Nationales Volontaires par 47 pays.
A l’issue du Forum, les Etats-membres ont adopté à la quasi-unanimité une déclaration ministérielle, malgré l’opposition des Etats-Unis et Israël (plus d’informations ici). Cette déclaration, non contraignante, n’a pas de traduction concrète, mais permet de rappeler l’engagement des Etats en faveur des ODD et la nécessité d’accélérer les efforts.
Et la France ?
La France, représentée au FPHN par sa Secrétaire d’État à la transition écologique et solidaire, Brune Poirson, a publié un point d’étape sur la mise en œuvre des 5 ODD examinés (eau et assainissement, énergie, villes, consommation et production responsables, et vie terrestre).
Ce rapport a été relayé sur Internet et présenté lors d’une conférence de presse à Paris, mais n’a pas fait l’objet d’un exposé officiel à New-York (puisqu’il ne s’agit pas d’une Revue Nationale Volontaire). Sa préparation a donné lieu à des échanges avec les organisations de la société civile française. Il constitue une bonne revue des politiques publiques existantes thématique par thématique.
Pour l’ODD 6 (voir pages 25 à 40), la France met en avant le fait que les données nationales sur l’eau et l’assainissement masquent des situations critiques en Outremer, notamment en Guyane, aux Antilles et à Mayotte, ainsi que pour une fraction de la population métropolitaine en situation précaire. Par ailleurs, si la cible liée à la GIRE est quasiment atteinte, la maîtrise des pollutions et des déficits quantitatifs demeurent un frein à l’atteinte d’autres cibles sur la qualité de l’eau, la gestion durable et les écosystèmes aquatiques. Au niveau international, le rapport valorise l’action forte de la France en matière de coopération internationale pour l’eau et l’assainissement, tout en relevant les enjeux d’un meilleur ciblage de l’Aide Publique au Développement.
Le Comité 21 a également publié un Rapport sur le niveau d’appropriation des ODD en France par les acteurs non-étatiques, élaboré avec la participation de plus de 80 acteurs français, dont la Coalition Eau (voir notre article « Comment les ONG de la Coalition Eau s’approprient les ODD ? » pages 61-62).
- Voir le point d’étape de la France ici
- Voir le résumé quotidien des activités de la délégation française au FPHN ici
- Voir le rapport du Comité 21 ici
Conclusion
Le FPHN traite d’un sujet systémique, la mise en œuvre des ODD, tous interdépendants. Chaque thématique n’est examinée que pendant un court créneau, avec des interventions rapides qui se succèdent et qui donnent l’impression de survoler les enjeux.
Le Forum permet toutefois de partager les constats entre Etats-membres, tout en incluant la société civile dans les débats, et d’alerter sur la nécessité d’agir. Il permet de stimuler la collecte de données, et d’encourager la redevabilité des Etats, sans pour autant les contraindre à rendre des comptes de façon exhaustive et transparente. Le FPHN est un lieu de rencontre des acteurs et de présentation d’initiatives, mais n’est pas un lieu d’engagement politique.
Rien ne remplace l’impact des politiques nationales : les organisations de la société civile doivent continuer de se mobiliser au niveau national, où sont déclinés les ODD.